CD review in 'jazzques'

2018-03-01T10:35:00+01:00

Plonger dans un album d’Octurn est toujours une aventure fascinante. Avec Songbook Of Changes, le dernier album sorti chez W.E.R.F. Records, on ne déroge pas à la règle.Octurn nous a habitué à nous déshabituer. Avec eux, l’aventure est souvent déstabilisante, chaque fois différente et toujours frissonnante.Le collectif au line-up variable, emmené par Bo Van der Werf, en a fait du chemin depuis 1996, passant du M’Base à une musique très contemporaine via la musique aléatoire ou aux folklores imaginaires, poussant chaque fois un peu plus loin les expérimentations.Il y a quelque chose de l'ordre du sacré, du divin, de l’ésotérisme dans cette musique, comme dans celles d’Olivier Messiaen (dont l’influence a été majeure pour le groupe), de György Ligeti ou des musiques indiennes ou tibétaines…Octurn explore des harmonies toujours mouvantes, faites de couches et de structures libres et indépendantes. C’est un peu comme dans un jeu de domino : une idée en amène une autre qui en entraine une autre. Et tout peut arriver. Tout est une question d’équilibre, d’écoute, de lâcher prise.Dans Songbook Of Changes, chaque morceau est une sorte d’exercice, un travail sur les matières et les atmosphères. Parfois abstraite jusque dans les titres («Song 10», «Song 8», «Song 1» ou encore «m46664a»), souvent méditative et magnétique, la musique nous entraine dans un tourbillon de sensations étranges.Tout commence en douceur et en mystère («Song 10») sur des effets crachotants de Jozef Dumoulin. Puis, Fabian Fiorini, plaque des accords sur un motif répétitif, toujours flottant («Song 8»), avant que l’ensemble ne s’enflamme. Le drumming papillonnant de Dré Pallemaerts et la contrebasse discrète et parcimonieuse de Clemens van der Feen laissent le champ libre aux improvisations de Magic Malik à la flûte (et au chant fantomatique sur «Song 2») et à Bo Van der Werf au sax baryton insaisissable.Octurn enlève et allège sans cesse, travaille l’espace, le dépouillement, les silences et le vide plein d’âme. L’exact opposé de ce «vide abyssal» qu’avait un jour écrit un célèbre critique n’ayant sans doute pas tout à fait compris le sens de la démarche. On ne lui en voudra pas et le groupe avait d’ailleurs bien ri de cette description idiote.Ecouter Octurn, c’est prendre son temps et c’est oublier le temps. L'univers de chaque thème varie imperceptiblement, mettant en avant tantôt le piano, tantôt la flûte ou le sax. On passe de rythmes haletants («Song 14») à d’autres, totalement en apesanteur («Song 1»). Quant à «Red», «Black» et «Blue Tara», ils se dispersent sur l’album et distillent des sentiments apaisés, rageurs ou vibrants.Comme souvent avec Octurn, ce Songbook Of Changes demande à se laisser découvrir et se laisser vous imprégner pour pouvoir en apprécier les moindres petits bienfaits.Laisser vous faire.

http://jazzques.skynetblogs.be/